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La solide persistance du quotidien

             « Je me sentis bien de pouvoir regarder par la fenêtre. Si seulement il était

possible de filmer ainsi, me dis-je à moi-même. De la même manière que s‛ouvrent

parfois les yeux. Regarder, seulement, sans ne rien vouloir démontrer. La citation est de Wim Wenders à propos l‛admirable metteur en scène Yasujiro

Ozu.

      Wenders réfléchit sur les constantes qui se répètent tout au long de l‛oeuvre d‛Ozu.

 La persistance des thèmes n‛indique pas seulement l‛intérêt pour des moyens expressifs, mais plutôt une sensibilité et une volonté qui ont dans ce qui nous est proche des valeurs et des objectifs vitaux précis … Les sculptures de Jean-Guy  –que je connais dans un autre contexte que celui de cette exposition- m‛amènent à ressentir le temps et les choses comme Wenders les ressent d‛Ozu.

Dans la vie, il y a un type de certitudes qui ne paraissent laisser place au doute et

qui se trouvent dans les choses et les sentiments qui nous accompagnent chaque jour.

Ces « choses-sentiments », apparemment simples choses ordinaires, auxquelles chacun

a recours fréquemment avec la conscience qu‛elles sont toujours là, prêtes, utilisables,

génèrent en même temps en nous un sentiment d‛identification, de proximité,

d‛affection. Un regard attentif nous révèle en eux une forte charge symbolique et

nous établissons, en fait sans nous en rendre compte, une relation spéciale avec eux.

Ce sont des choses réelles qui nous accompagnent tranquillement dans les palpitations

sourdes de l‛existence quotidienne.

       Ces « choses-sentiments » nous fixent probablement à la vie d‛une manière plus solide. Elles sont des objets, des animaux, des personnes, des plantes, des paysages, des arômes… des images ; en définitive, des sensations relatives à notre perception la

plus familière. Elles ont leur propre vie, elles existent seules, indépendantes; leur

manière d‛être est, pour nous, une source inépuisable de sensations, d‛expériences, de

connaissances, qui se répètent et nous accompagnent dans le temps.

      Il est clair qu‛il ne s‛agit pas d‛une présence immuable, sentie mécaniquement. Ce

sont des sentiments que nous redécouvrons et fêtons à des moments ponctuels.

La proximité, ainsi qu‛un regard actif, parviennent parfois à vaincre la virtualité

ainsi que l‛état statique des choses et, à certains moment surgit par surprise un

dialogue nouveau. La scène sur la toile suggère comme une double réalité présente,

figée dans le temps, témoignant, évoquant, transmettant, au travers de la sculpture une forme de se comporter, de vivre, d‛être. Les sculptures, « objets-sentiments » en vérité, qui nous laissent écouter le battement de ce qui nousest proche, nous affranchissent et nous portent le regard au-delà de la virtualité dece qu‛ils paraissent représenter. Les oeuvres de Jean-Guy se manifestentavec l‛expression précise de celui pour qui il est nécessaire de communiquer, de partager une expérience, un sentiment qui est là-bas, proche ; il suffit seulement de regarder sans avoir l‛obligation de ne rien démontrer de plus que l‛amplitude de sa présence évocatrice d‛un monde qui s‛intègre à la parfaite mesure de sa valeur sensible.

 

Joan Llaveria - texte traduit de l'espagnol

Sculpteur, président du groupe “Arte y  Entorno”  et directeur des Beaux-Arts de Valencia.

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